Photosynthèse.

Photosynthèse symbolise une étape importante dans ma démarche artistique où s’éloigner des codes et systèmes de représentations académiques a été nécessaire pour inventer une nouvelle manière d’utiliser la photographie. Sans vouloir la dénaturer, j’ai gardé les deux éléments qui font la création d’une image : la surface sensible, la pellicule et l’apparition de la lumière. Pour m’isoler du bruit de la capitale et retrouver des sensations instinctives , je suis retournée dans un espace familier, la forêt, et j’ai créé une carte personnelle de morceaux de forêts dont l’architecture pouvait accueillir des installations éphémères. Se faire rencontrer le naturel et l’artificiel a constitué les recherches des premières installations qui ont construit un lexique de traces d’altération de la matière par la lumière, par le temps qui passe, par l’environnement et le cycle des saisons. Après observations, j’ai donc réalisé qu’une deuxième rencontre se produisait : celle de la destruction et de la régénérescence, et qu’en plus elle donnait lieu à une nouvelle image, celle de la réflexion de l’environnement autour, ici la forêt.

Entre 2005 et 2010, j’ai donc investi différentes régions boisées, créé un herbier de pellicules traitées à différents stades de révélation en me rapprochant de laboratoires cinématographiques, collecté sous formes d’archive de notes, de dates, de croquis, et d’images chacune de mes expériences, répété souvent ces phénomènes entre la nature et la pellicule sous formes d’écrans et de cabanes pour saisir la signification de ces représentations floues et nettes, sombres et lumineuses, sinueuses et rectilignes, abstraites et réelles.

Il a été question pour moi de marquer mon territoire sur cette carte, de quitter ces ateliers nomades et naturels en y marquant ma propre projection de ces années d’observations, en créant un lien entre la nature et l’homme. Entre deux arbres embobinés, ce moment a pris la forme d’un écran invisible où se superposent les couleurs, où s’inventent de nouvelles nuances, où se dessinent une nouvelle architecture d’ombres et de lumières. Cette représentation abstraite qui ne porte de nom que la date de son installation, bloquée dans un environnement reconnaissable, suspendue dans la lumière, est le résultat de Photosynthèse : une image inventée d’une rencontre entre la nature et l’action de l’individu sur son environnement. Une image de formes fantasmagoriques, de révélations grâce à la lumière, d’un espace sans repères ; une image d’une artiste qui photographie le cinéma comme une peinture.