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C’est la fin de l’hiver. Le ciel s’éclaircit. Pourtant, je dois rentrer chez moi. Une menace invisible venue de loin s’est invitée jusque dans notre réalité quotidienne.
Comment photographier l’invisible, si ce n’est par l’effet, la distorsion, la transformation qu’il induit ?
Les gélatines transforment la vision photographique. Je les ai prises comme surfaces représentatives de cet invisible coercitif que j’ai voulu transfigurer en lui donnant une esthétique.
Nous nous sommes enfermés chez nous. Nos fenêtres sont devenues des murs donnant vue sur le monde extérieur. Ces fenêtres nous protègent et projettent chez nous les réflexions d’un monde extérieur avec lequel nous vivons à distances. Augmentation de la distance entre les hommes, réduction de notre champ d’évasion et finalement éloignement de l’essentiel : la nature et nos proches.
{ … } n1, n2 - Ed 1/3 - Tirage Acrylique sur verre, 2mm, 60cmx40cm
Comment garder le contact, comment préserver sa liberté dans cet espace-temps suspendu ?
Par la représentation. Mon espace est devenu, non seulement une tour d’observation, mais aussi un lieu de projection, une caisse de résonnance de l’évolution du monde. Les immeubles sont de carton et d’ombres projetées. La pandémie projette ses lumières colorées représentées par mes carrés de gélatine photographique.
De nouvelles parois urbaines se sont érigées. Sur une ligne de crête entre mur et fenêtre, le plexiglas envahit le paysage des échanges commerciaux restés essentiels. La ville s’est parée de visières géantes.
{ … } n4, n5 - Ed 1/3 - Tirage Acrylique sur verre, 2mm, 60cmx40cm
{ … } n6, n7,n8, n9 - Ed 1/3 - Tirage Acrylique sur verre, 2mm, 60cmx40cm
Cette parenthèse a-t-elle une fin ?
Un trèfle à quatre feuilles, sorti d’un jardin d’Eden qui fût le monde d’avant, condensé d’espérance, de foi, de rapport aux autres et de chance, a été figé, conservé dans la glace. Le déconfinement sonne le dégel, la fin de cette mise entre parenthèses de notre rapport à la nature et la perspective d’accolades prochaines avec ceux que l’on aime. De la parenthèse à l’accolade, un chemin s’ouvre à nous dans un autre monde dont la pandémie encore présente a changé les codes. Une nouvelle génération entre dans cette ère.