Murs mûrs.

L'installation in situ, intitulée « Murs Mûrs », repose sur une confrontation dynamique entre le passé historique du lieu (la maison de Jovan Tomašević) et l'intervention artistique contemporaine. Le titre, par son jeu de mots, évoque à la fois la physicalité de la ruine et la maturité d'une histoire prête à être réévaluée.

Ancrée sur un site mémoriel lié à l'héritage du Parti communiste yougoslave, la ruine incarne l'effondrement ou la remise en question d'une façade idéologique historique. Le mur, désormais mûr, est un témoin d'événements spécifiques et d'une mémoire nationale.

L'artiste introduit des fragments de matériaux translucides et vivement colorés, dont l'éclat et l'éphémérité contrastent avec la pierre brute. Ces éléments soulignent l'artificialité de toute "façade" et critiquent le récit historique figé que le site pourrait représenter.

L'œuvre agit comme un palimpseste chromatique. La transparence est cruciale : elle ne masque pas la décrépitude (l'histoire) mais la filtre à travers des couleurs nouvelles. L'installation invite le spectateur à une relecture dynamique du passé, utilisant l'art pour insuffler une nouvelle vitalité ou une interrogation sur la mémoire nationale.

« Murs Mûrs » transforme l'héritage politique en un terrain fertile pour l'art, où le passé, parvenu à maturité, devient le support d'une réflexion chromatique et spatiale sur l'identité et le souvenir. Cette réflexion est intrinsèquement liée à la documentation de l'œuvre : l'intervention physique étant par nature éphémère, cette photographie est le seul document qui subsiste de l'intervention in situ. L'œuvre opère ainsi sa propre mue, passant de l'objet spatial au support bidimensionnel. Cette image acquiert le statut d'œuvre finale, agissant comme la mémoire pérenne de l'installation disparue. Elle est destinée à être exposée et réintégrée à l'espace, notamment sous forme de papier peint, prolongeant ainsi le thème de l'artifice du décor en transformant la trace photographique en une nouvelle façade.